Acta Structuralica

international journal for structuralist research

Journal | Volume | Article

229330

Fonctions des faits de folklore

Mutations fonctionnelles. Changements de structure et de sens

Mihai Pop

pp. 10

1La recherche contemporaine de la culture populaire, quel que soit son nom, emploie, comme la plupart des disciplines humanistes qui visent à donner plus de rigueur à leur champ d’étude et plus de précision à leurs formulations, la terminologie de la linguistique moderne, structuraliste ou transformationnelle, de la théorie de la communication et de la sémiotique.

2En règle générale, les chercheurs européens ont convenu d’appeler ethnologie la discipline qui étudie la culture populaire traditionnelle et ethnosociologie - celle qui traite des questions contemporaines. Cependant, en ce qui concerne recherche plus générale de l’individu en tant que créateur et consommateur de culture, on utilise aussi dans le circuit scientifique international le terme d’anthropologie culturelle ou d’anthropologie sociale. Le terme folklore, lorsqu’il est encore employé comme chez nous, désigne la recherche de la littérature populaire, de la musique, des danses et des coutumes populaires ou, dans un sens plus étroit, seulement la recherche de la littérature orale. Dans le même esprit, la recherche de la musique folklorique est appelée ethnomusicologie. Le terme d’ethnographie utilisé pour désigner la recherche sur la culture matérielle a pratiquement commencé à tomber en désuétude depuis qu’on a constaté que la division de la culture folklorique en matérielle et spirituelle est artificielle et entre en contradiction avec la dialectique des phénomènes culturels. Certains spécialistes continuent à utiliser le terme d’ethnographie pour désigner la recherche qui a pour objectif la collecte de données et d'objets, ainsi que la description des faits de culture populaire.

3Nous avons insisté sur ces termes afin de vous offrir un panorama de l’état actuel de leur utilisation, une telle information pouvant être utile pour la consultation de la littérature spécialisée. Toutefois, ces termes ne sont pas immuables et leur signification actuelle n’est que le résultat d’un consensus, d’une convention. L'emploi de la terminologie en dehors de cette convention peut prêter à confusion. Il pourrait arriver ainsi que le message codé par nous avec une certaine signification des termes soit décodé par les destinataires avec une signification différente. Pour cette raison, je propose qu’on utilise dans notre dialogue le terme d’ethnologie, adopté par les chercheurs européens.

4L’emploi de la terminologie linguistique, mais aussi des principes de la linguistique moderne et de ses méthodes de recherche, est dû au statut de science-pilote que la linguistique occupe parmi les sciences humaines. En arrivant, suite à des études de cas et à un effort de systématisation et de synthèse, à la conclusion que la langue est un système, une structure constituée de rapports que des éléments pertinents établissent entre eux et avec l'ensemble, la linguistique a réussi à conférer à sa théorie et à ses méthodes une rigueur qui se rapproche davantage de celle des sciences exactes, à formuler avec une grande précision, par une approche objective, les résultats de sa recherche et à découvrir les lois générales et particulières du fonctionnement du langage en tant que phénomène culturel et moyen essentiel de communication entre les gens. Pour l’analyse des faits de langage en tant qu’actes de communication, elle s’est servie, naturellement, de la théorie générale de la communication, tandis que pour déterminer les rapports entre les signes et leur signification, elle a recours aujourd'hui à la théorie des signes, la sémiotique, qui lui permet d’aller en profondeur dans la compréhension des choses, ayant pour but de saisir – parmi la multitude des faits réels, essentiels – des modèles à valeur de généralité, la logique interne qui régit lesdits modèles, les réalisations qui se matérialisent à l'infini, grâce à la capacité linguistique de l'homme et à la performation à travers laquelle cette capacité se manifeste. Ainsi, si nous travaillons dans notre dialogue avec des concepts et des termes linguistiques et si nous intégrons les faits de culture populaire dans les équations propres à la théorie de la communication, nous pouvons considérer que tout fait de culture soit un acte de communication. Il s’agit donc d’un message qui implique un acte de codage et un acte de décodage, en vertu d'un code connu à la fois par les émetteurs et par les récepteurs. En tant qu’acte de communication, cependant, il diffère de la communication verbale, de la communication linguistique courante, en ce qu’il utilise aussi d’autres langages: musical, chorégraphique, gestuel, mimique ou bien des langages spécialisés tels que celui des mythes, des rites, des cérémonies, des modes de conduite, de la bienséance, etc. Même lorsqu'il utilise la langue outre la communication verbale courante, par exemple dans la littérature, il possède son propre système de signes, un système sémantique secondaire au système linguistique.

5Ainsi, l'acte de communication culturelle instaure en réalité un rapport d’échange entre les partenaires : un échange d'informations, un échange de biens, un échange de motifs, un échange de services, ainsi qu’il a été montré par Claude Lévi-Strauss.

6Dans la culture traditionnelle, la communication a lieu entre l’individu et la nature, sur le plan pragmatique de la pratique primitive, entre l'homme et les représentations qu’il s’est construit des phénomènes naturels à travers des mythes et des rites. Mais sur le plan social concret, les relations d’échange sont établies entre des individus appartenant au même groupe social et entre différents groupes sociaux de nature et de taille variables: groupes distincts du point de vue territorial et ethnique. La limite des échanges est déterminée par le pouvoir de compréhension, par la capacité de communiquer, à savoir par la maîtrise des codes à l’aide desquels les messages sont chiffrés et déchiffrés, de la logique qui les régit, de la théorie de l'argumentation à l’aide de laquelle on construit les différentes catégories de messages qu’on peut réduire à un modèle commun.

7Les messages des échanges culturels sont des faits délimités, qui peuvent être regardés comme des textes, par analogie avec les faits de langage similaires.

8Le sémioticien soviétique A. M. Piatogorski soutient qu’un texte est « en premier lieu une communication figée dans une dimension spatiale (optique, acoustique ou autre). En deuxième lieu, nous considérerons comme texte seulement une communication dont l’ancrage spatial n’a pas été un phénomène accidentel, mais plutôt un moyen nécessaire de transmission consciente de ladite communication par son auteur ou par d'autres personnes.

9En troisième lieu, l’on présuppose que le texte est compréhensible, qu’il n’exige pas de décryptage, qu’il ne présente pas de difficulté linguistique en empêchant la compréhension » Pjatigorskij 1962 145 pub-229620 . En se référant aux faits littéraires, I. M. Lotman avance l’hypothèse suivante à propos du texte: « Le texte est un ensemble artistique (ou une partie d’un ensemble artistique), figé du point de vue graphique. L’étude de l’histoire du texte, la propension même de la textologie à analyser l'évolution du plan conçu par l'auteur, son accomplissement et son destin ultérieur ont donné aux notions qu’on traite ici un contenu mobile, tridimensionnel, et non pas un contenu figé et limité du point de vue littéraire. Le texte de l’œuvre d’art est un phénomène changeant et fluide », écrit B. V. Tomasevski Tomaševskij 1959 87 pub-229621 . Cependant, tout ce qui a été décrit ci-dessus implique deux thèses sous-entendues : 1) le texte d'une œuvre d'art est une somme de signes graphiques, 2) l'œuvre littéraire n'est pas réellement fournie sous la forme d'un texte » Lotman 1970 216 pub-229622 .

10Le fait de culture dans son acception ethnologique n'est pas figé du point de vue graphique comme il l’est, par contre, dans la littérature culte. Par conséquent, il n’est pas une somme de signes graphiques. Il est toutefois figé dans les signes propres au langage à travers lequel il s’exprime, en utilisant dans la plupart des cas une pluralité de signes de nature différente en raison du syncrétisme des langues présent dans tout fait de culture traditionnelle. Il ne s’agit donc pas d’une somme de signes, vu qu’on a affaire à un ensemble structuré, mais d’un système de signes. Tous les faits de culture traditionnelle, comme l’a remarqué à juste titre I. M. Lotman, nous sont fournis, en réalité, sous la forme d’un texte.

11En général, en tant que dénomination de faits de culture, en tant que terme employé dans les dialogues sur la réalité ethnologique, le texte n’a pas d’existence autonome, il ne flotte pas dans le vide, mais il est inévitablement contenu dans un contexte. « En général, le texte n'a pas d'existence indépendante, il est inévitablement inclus dans un contexte quelconque (dans la réalité historique). Le texte existe comme partie contractante aux côtés des éléments structurels extra-textuels, le lien entre eux étant celui de deux termes d'une opposition » Lotman 1970 219-220 pub-229622 . Le texte est le signe d'un contenu, un signe ayant sa propre signification, laquelle peut être déchiffrée par une analyse structurelle et par des références à la sémiotique. Par rapport avec le contexte, chaque texte, avec sa structure bien liée, a des raisons d’être déterminées et des fonctions qui lui sont propres. Les textes ethnologiques ne sont pas produits seulement à travers un syncrétisme des langages, mais aussi à travers un syncrétisme des plans contextuels. En tant que signes à circulation généralisée dans le macrosystème de la culture populaire, ils sont donc polyfonctionnels. Le syncrétisme des plans contextuels et la polyfonctionnalité rendent le texte ethnologique polyvalent, ils en expliquent l’ambiguïté et lui garantissent la durabilité dans le temps et la large diffusion territoriale. La durabilité et la large diffusion d’un fait de culture populaire entendu comme message sont directement proportionnelles à son ambiguïté. Pour déchiffrer un texte entendu comme signe, donc pour en rechercher la signification, le sens, il faut tenir compte du plan dans lequel il a été codé, du contexte de l'acte d'émission, du plan sur lequel il a été reçu, et aussi du contexte dans lequel se produit l’acte de réception. Cela est possible parce que l’ambiguïté permet qu’un texte qui avait été codé avec une certaine intention, avec un certain sens, soit décodé avec une autre intention, dans un autre sens.

12Les plans contextuels sur lesquels un texte ethnologique est produit et existe peuvent être: socio-économique, psychosocial, comportemental – sacral, cérémonial – artistique, quotidien. La plupart du temps, le contexte fait appel à de nombreux plans simultanés, qui confèrent aux faits ethnologiques leur dimension unique. Pourtant, en cas de concurrence entre plusieurs plans, il existe généralement une hiérarchie d’importance de ceux-ci. On a des plans dominants et des plans sous-jacents. Les plans dominants sont visibles et les plans sous-jacents ont une existence discrète, ils restent dans un état de latence. Puisque les plans des textes ethnologiques en déterminent les fonctions, les ethnologues parlent également de fonctions dominantes et sous-jacentes, de fonctions manifestes et de fonctions discrètes. La hiérarchie des plans, et en conséquence la hiérarchie des fonctions, n’est pas évidente. Elle est une réalité historique dont l’existence est déterminée par les conditions socio-économiques et psycho-sociales. Elle change par rapport à ces coordonnées. La modification des plans de réalisation entraîne des changements dans la hiérarchie des fonctions et conduit à des mutations fonctionnelles. Les mutations fonctionnelles ne signifient pas, comme le croyaient les chercheurs traditionnels, l’élimination de la fonctionnalité, le vidage de sens, mais elles représentent uniquement un changement dans la hiérarchie des fonctions, un passage de la fonction dominante parmi celles sous-jacentes et de l’une des fonctions sous-jacentes dans le rôle de fonction dominante. Cela ne peut pas signifier l'élimination de la fonctionnalité, le vidage de sens, car, dans le système de la culture populaire, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir des fait sans utilité, des faits vides de sens. Même les faits qui semblent absents, qui s'écartent de la règle générale, de la norme, ne sont que des exceptions destinées à la renforcer.

13La culture populaire nous fournit de nombreux exemples de mutations fonctionnelles. Par exemple, un élément du costume traditionnel, telle la besace portée par les hommes dans le Pays d'Oaş. La besace est en général un objet à fonction utilitaire, l’équivalent des poches du costume urbain ou peut-être aussi de la mallette. Au Pays d’Oaş, lorsqu’elle fait partie du costume masculin festif, elle est un ornement. Mais dans l’ensemble du costume masculin festif du Pays d’Oaş elle représente également une marque distinctive, un emblème de la communauté, car chaque village a son propre modèle de besace. Dans le contexte microstructural d’un seul groupe social – un village – la fonction dominante est « pour les personnes de l’intérieur du village, celle d’un ornement, mais sous une forme latente, par rapport au costume quotidien, il peut s’y ajouter aussi la fonction utilitaire; elle accomplit aussi, toujours sous une forme latente, une fonction d’emblème. La dernière passe du latent au manifeste dès que le contexte dans lequel elle apparaît change et dès que la personne de l’intérieur, l’habitant d’un village, entre en contact avec les personnes de l’extérieur, les habitants d’un autre village ou d’autres villages. Déplacée du milieu rural dans le milieu urbain, la besace du Pays d’Oaş subit une autre mutation fonctionnelle. Quand elle est rangée dans une chambre urbaine, accrochée au mur, elle devient un élément de décoration d'intérieur. Quand elle est portée par une jeune femme ayant la velléité de marquer son non-conformisme, elle redevient un emblème, mais son sens emblématique sera divers par rapport au nouveau contexte dans lequel elle apparaît.

14Les mutations fonctionnelles donnent de la mobilité aux textes ethnologiques, aux faits de culture populaire. Elles se produisent au niveau des groupes sociaux, c’est-à-dire des réalités socialisées, par l’intermédiaire d’un acte d’option déterminé par le contexte, et, en dernier ressort, par les conditions socio-économiques, par la position idéologique du groupe, par les changements qui surviennent dans cette position au fil du temps.

15En relation avec la tradition et avec son renouvellement, les mutations fonctionnelles sont l’élément dynamique qui déclenche le changement; c’est notamment le cas de la transposition des textes ethnologiques d'un plan à un autre, par exemple du plan religieux à celui cérémonial, puis à celui artistique. Dans la coutume traditionnelle du mariage, par exemple, il y a plusieurs moments rituels qui se situent sur le plan sacral. Après le mariage, lorsque l’on exécute la danse rituelle du sapin1 devant la maison du marié, il est de coutume dans certains endroits d’éparpiller autour de la hora 2 des miettes de cozonac 3 et de verser du vin. Il s’agit en effet de deux éléments dont le sens sacré se manifeste dans de nombreux autres cas : le pain et le vin, un cercle magique destiné à protéger le mariage de l’influence des forces du mal, qui sont censées être plus actives pendant les moments importants de la vie humaine. Aujourd’hui, l'ancienne signification magique de l'acte a été perdue. Cependant, il s’agit d’une action qui ne peut pas manquer du déroulement intégral, selon certaines règles établies, de la cérémonie en tant qu’acte cérémoniel. Il y a donc eu un phénomène de transposition du plan sacré au plan cérémonial, à savoir un changement de fonction. Ainsi, il persiste chez beaucoup d’individus un souvenir de la vieille fonction, qui se matérialise dans la croyance que « c’est comme ça qu’on doit faire les choses ». Un phénomène de désacralisation s’est produit – et les ethnologues conviennent généralement aujourd’hui que la plupart des rites, des mythes, des us et coutumes populaires subissent un processus continu de désacralisation, ce qui ne signifie pas que, tout au long des changements qui se produisent dans la culture traditionnelle, il ne peut pas y avoir aussi des phénomènes régressifs, dans lesquels la mutation fonctionnelle signifie le retour en tant que dominante d'une fonction qui avait été jadis dominante, mais qui était devenue latente pour un certain temps. Dans ce cas, la transposition des plans a lieu en raison de l’inversion du sens, du retour à un sens ancien. Les phénomènes régressifs s’observent dans les milieux de culture ethnologique, surtout dans la relation entre les groupes d’âge. Nous avons constaté, par exemple, qu’après le mariage, les jeunes qui préféraient auparavant les chansons les plus récentes, se tournent vers les chansons plus traditionnelles. Nous avons remarqué le même phénomène chez les personnes âgées quant à leurs relations avec le sacré et le profane, avec l’ancien et le nouveau. En outre, les changements fonctionnels incluent également ces modifications qui font ainsi qu'un texte ethnologique devienne le contraire de soi-même. De telles mutations ont toujours existé dans la culture populaire et des analogies peuvent être établies entre celles-ci et le phénomène auquel la critique littéraire et dramatique assiste aujourd’hui avec rapport entre littérature - anti-littérature, théâtre - anti-théâtre. Nous rencontrons le même phénomène dans des actes parodiques, par exemple dans la parodie de moments de la cérémonie funéraire, dans les danses avec des masques du Nouvel An, lors de l’enterrement de la chèvre, lors de la tzurca,4 etc. En établissant un sentiment d’identité entre les divinités qui incarnent la nature, la fertilité du sol et les masques qui représentent des animaux portés dans les danses du Nouvel An, les ethnologues ont conclu que la mort de l’animal et sa résurrection correspondaient aussi, du point de vue moral, à la résurrection de la divinité dans les anciens mythes et rites, pour mieux dire à la croyance dans la mort et le renouveau de la nature au début de chaque année qui est répandue parmi de nombreux peuples. Or, dans le contexte des danses du Nouvel An, dont le caractère ludique est indéniable, la présence de ce sens est très discutable. Même si le moment des danses d’aujourd'hui découle d'un archétype rituel, il a subi tellement de mutations fonctionnelles que sa fonction archaïque est complètement disparue. Mais cette fonction ne peut pas trouver sa place dans le contexte du jeu, précisément parce que les danses des garçons portant des masques à l’occasion du Nouvel An sont des manifestations à travers lesquelles les gens sortent du contexte de la vie quotidienne, se cachant derrière la mort afin de se libérer des aléas du sort, des imprévus du quotidien, des contraintes sociales de nature rituelle, cérémonielle. Ce n’est pas donc un simple comportement ritualisé. Il devient libre et il crée, à travers le jeu, un monde contraire à celui dans lequel il vit quotidiennement.

16Les danses du Nouvel An peuvent ainsi être des exemples de conséquences externes des mutations fonctionnelles et la leur transposition du plan du sérieux sur le plan ludique démontre que certains plans excluent certaines fonctions et donc que les plans contextuels peuvent avoir un rôle limitatif par rapport aux fonctions.

17La transposition des textes ethnologiques d’un plan contextuel à un autre, les mutations fonctionnelles, engendre une modification de leur signification. La signification du texte ethnologique vu comme signe, selon les critères établis par Ferdinand de Saussure ne peut être déchiffrée sans la connaissance du plan contextuel où se réalise la fonction dominante pour laquelle il a été chiffré et du plan dans l’intention duquel il a été déchiffré. Ainsi, dans la relation entre le signe et la signification, le sens est une donnée concrète, soumise aux changements dus au passage du temps et à la large diffusion territoriale des textes ethnologiques.

18Toutefois il est nécessaire d’opérer une distinction entre signe et symbole. Le signe est un élément qui fait partie d’un code, une unité-limite de tout langage, ayant une valeur de signification dans le cadre d’un seul système de communication, d’un seul code. Le symbole est lui aussi une unité significative, un signe, mais il a la liberté de s’adapter à plusieurs codes, en gardant la même signification dans chacun d’entre eux. Peut-être qu’en plaçant la question entre les paramètres de la linguistique transformationnelle, nous pourrions présupposer que le signe apparaît dans les actes de communication au niveau superficiel, tandis que le symbole, expression de l’essence, apparaît plus en profondeur et se situe dans les limites du système de pensée, de la logique interne des choses, ayant une valeur plus large de généralité.

19Nous avons montré en préambule que chaque texte ethnologique doit être examiné dans son ensemble, comme un système, un quelque chose de structuré, dont les dimensions varient évidemment selon les macrostructures et les microstructures. Les modèles structurels des textes ethnologiques sont des modèles catégoriels, chaque fait concret pouvant être transposé dans un modèle catégoriel et chaque modèle catégoriel pouvant être identifié dans de nombreux faits concrets. En ce sens, les multiples variantes d'un texte ethnologique ne sont en fait que des différentes concrétisations du modèle de la catégorie respective.

20Parmi les schémas contextuels des structures catégoriques, avec leurs concrétisations différentes, il existe un rapport de dépendance étroite. La fonction du texte détermine sa structure, donc les mutations fonctionnelles entraînent des changements dans la structure des textes ethnologiques. Cette constatation est très importante pour une compréhension diachronique des phénomènes ethnologiques et, par conséquent, pour la compréhension de l'histoire de la culture populaire. La transition d'un module culturel à un autre ne se fait pas d’une manière linéaire, ascendante, par une évolution lente et progressive, mais à travers des changements de structure dus à des mutations fonctionnelles. La dialectique du processus est fondée sur le principe selon lequel l’accumulation quantitative engendre des mutations qualitatives. A chaque fonction correspond, au long du temps, une structure propre, avec un modèle catégoriel approprié, que nous retrouvons dans la réalité synchronique et qui se concrétise sous d’innombrables variantes dont les carences dans la diffusion territoriale ne sont que des nuances stylistiques, tandis que leur fonction, la signification du sens reste inchangée.

21La recherche scientifique des textes ethnologiques ne peut donc pas se limiter à la simple description des faits, ce qui suppose avant tout une systématisation des différentes concrétisations. Une analyse structurelle de ceux-ci vise à établir des modèles de catégories, puis, à travers la comparaison desdits modèles, à définir une typologie structurelle. L'analyse implique un processus de grammaticalisation, de détermination des codes que chaque langage utilise pour rédiger ses textes, une élaboration de la grammaire de chaque langage, avec son propre système de signes. Mais, au-delà de l'analyse, de la détermination des modèles et de la typologie structurelle, la compréhension du sens a besoin de la connaissance des plans contextuels, de la détermination de la fonction des textes recherchés. Seule une telle connaissance totale nous peut dévoiler le sens approprié des textes étudiés. Pourtant, la conscience du fait que dans la culture populaire surviennent des continuels changements de plans, des mutations fonctionnelles ayant des répercussions directes sur la structure des textes, nous ouvre la perspective de la compréhension de la dynamique interne des phénomènes culturels, nous obligeant à les envisager comme des processus, ainsi qu’on puisse passer de la vision synchronique à celle diachronique et elle nous met aussi à disposition un nouvel angle pour comprendre l'histoire des choses.

    Notes

  • 1 Il s’agit d’une tradition roumaine, l’arbre de mariage – le sapin, qui est encore préservée dans de nombreuses régions du pays, en particulier dans les villages. (n.d.t)
  • 2 La hora est une ronde, une danse folklorique collective  dont la spécificité est un grand cercle ouvert ou fermé. (n.d.t)
  • 3 Le cozonac est une brioche traditionnelle roumaine, préparée pour des occasion festives. Le cozonac est un pain sucré, auquel du lait, du sucre, des œufs, du beurre et des raisins secs sont ajoutés.
  • 4 La tzurca est une tradition folklorique de Noel. Les jeunes hommes ages de 15 a 25 ans chantent des noels et il dansent la tzurca (n.d.t)

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Published in:

Apostolescu Iulian (2021) Romanian Structuralism. Acta Structuralica Special Issue 3.

Pages: 10

Full citation:

Pop Mihai (2021) „Fonctions des faits de folklore: Mutations fonctionnelles. Changements de structure et de sens“. Acta Structuralica 3, 10.