11 [Cette communication développe quelques considérations au sujet du soi-disant critère de « distribution complémentaire », qui consiste à vérifier la possibilité d’élimination des différences entre les parties d’un élément en ramenant les parties (en tant que variantes) à une invariante commune. Il est important de conserver la différence entre distribution complémentaire et distribution tout-court, car s’il était possible d’abolir une différence en décrivant les parties en question comme des variantes d’un seul et même élément, tout élément serait libre de se présenter avec n’importe quel autre élé|ment. L’application de ce critère doit donc être réglementée : on ne peut pas l’appliquer avant d’avoir identifié les catégories et les classifications des éléments. L’auteur parvient aux conclusions suivantes : 1) il est impossible de préétablir une fois pour toutes la ligne qui sépare les conditions systématiques de celles qui sont accidentelles ; 2) il est néanmoins possible de s’appuyer sur des conditions de comparaison uniformes et systématiques entre des classifications distributionnelles alternatives ; 3) l’analyse distributionnelle ne permet pas de caractériser chaque élément pertinent par opposition à tous les autres ; 4) la distribution complémentaire est en principe différente de l’analyse statistique ; 5) la première s’appuie sur l’opposition entre occurrence positive et non-occurrence].
2[Hjelmslev] Je suis d’accord sur presque tout ce qui a été dit dans ces comptes rendus, qui permettent de clarifier le futur débat structuraliste. La théorie de la distribution ne permet pas de savoir si les unités sont distribuées par la langue ou si elles doivent être distribuées par le linguiste. À aucun moment, le terme « distribution » ne signifie autre chose que ce qui est déjà inclus dans l’analyse structurelle conventionnelle. Il faudra éclaircir ce qu’il faut distribuer et où il faut le faire. Ces deux problèmes n’en sont en réalité qu’un seul, car les unités distinctives ne le sont qu’à l’intérieur d’un cadre donné : les unités linguistiques, tout comme les phonèmes, ne tombent pas du ciel ; elles forment des inventaires à l’intérieur d’une catégorie et ne peuvent être retrouvées qu’à l’intérieur de cette catégorie. Celle-ci est à son tour définie par les relations syntagmatiques possibles. Cela revient à dire que la classification distributionnelle des phonèmes, par exemple, est superflue, n’étant qu’une simple répétition de ce qui a déjà été réalisé au cours de l’enregistrement des phonèmes (ou des unités en général). Le terme même de distribution complémentaire me semble particulièrement mal choisi, puisqu’il donne lieu à plusieurs malentendus : il ne signifie rien d’utile sauf si on l’entend en tant que synonyme du terme d’exclusion mutuelle (Daniel Jones), terme déjà établi depuis longtemps et qui convient beaucoup mieux.